Séminaire Robotics by Design Lab pour Korian et la Fondation Korian pour le bien vieillir: La robotique Sociale au service des Écologies du Grand âge

Le tout premier séminaire de lancement du projet de robotique sociale chez Korian s’est tenu le jeudi 18 mars dans les locaux de Korian à Paris (8e) en présence de collaborateurs Korian de toutes expertises et de l’équipe de recherche du Robotics By Design Lab, autour d’une question : quel futur envisager pour la robotique sociale en établissement de soin et d’accompagnement aux personnes âgées ?

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Différents aspects et visions de la robotique sociale pour le grand âge aujourd’hui

En première partie, Fabrice Flottes de Pouzols, directeur de l’équipe Korian Solutions, agence de transformation digitale du groupe et passionné de robotique, a présenté son analyse du marché de la robotique sociale au service du grand âge et des freins qui entravent son développement. Selon lui, si nous sommes aujourd’hui en présence de technologies mécaniques et électroniques très pointues, les logiciels des robots sur le marché et l’Intelligence Artificielle embarquée ne sont pour autant pas suffisamment matures pour adresser les besoins réels des environnements humains complexes et spécifiques. Par ailleurs, il existe aujourd’hui un frein de taille à l’acceptabilité de ces machines, entretenu par des imaginaires négatifs et inquiétants autour d’une robotique déshumanisante. Pourtant, loin de vouloir aliéner le soin, l’enjeu et le paradoxe de la robotique en santé est d’y ajouter de la valeur humaine par des fonctions de support aux soins. Seul un travail poussé sur des usages au service des personnes âgées permettra alors de libérer les points de blocage technologique et d’acceptabilité et de développer des robots réellement conçus pour le grand âge.  

Aude Letty, déléguée générale de la Fondation Korian pour le Bien Vieillir, a pris la suite pour présenter la vision scientifique de la robotique pour Korian et les travaux menés par la Fondation depuis cinq ans avec Kompai Robotics, constructeur robotique spécialisé dans le grand âge. Grâce à des études terrain et des expérimentations itératives à l’aide de prototypes fonctionnels en établissements, La Fondation Korian et Kompai Robotics ont pu co-construire ce qui est devenu aujourd’hui le robot Kompai 3, dédié à l’assistance à la mobilité et à l’orientation pour les personnes âgées en EHPAD. Kompai 3 permet entre autres de redonner confiance à des résidents en perte d’autonomie, de retarder la perte des acquis par de la stimulation cognitive et d’entretenir une relation de plaisir à travers la manipulation du robot. 

Des travaux sont également menés par la Fondation Korian en lien avec l’Université Catholique de Lyon autour des aspects juridiques et éthiques de l’arrivée des nouvelles technologies de l’Intelligence Artificielle et des robots sociaux en établissements de santé et auprès d’un public fragile.

De la recherche en design pour la robotique sociale de demain

Depuis fin 2019, la Fondation Korian pour le Bien-Vieillir a rejoint le consortium porté par Strate école de Design en tant que partenaire fondateur, acteur de l’écosystème de recherche et structure d’accueil d’une thèse CIFRE. Ainsi Nawelle Zaïdi, ingénieure et designer de formation, responsable de projets d’innovation digitale chez Korian, mène depuis mars 2020 son projet de recherche sur l’usage de la robotique en établissements de soin aux personnes âgées, sous les tutelles de Korian Solutions, la Fondation Korian, le laboratoire d’innovation sociale par le design PROJEKT de l’Université de Nîmes et Strate école de Design.

Cette thèse en Design permettra de porter un nouveau regard sur la robotique pour un groupe comme Korian. Axée principalement sur les usages potentiels et les besoins, exprimés ou non, elle questionne la pertinence, la valeur, la perception d’une robotique sociale au sein des écologies du grand âge de demain, à travers les concepts d’appropriation et d'acceptabilité des nouvelles technologies. Grâce à une analyse terrain mise en place par une démarche design, cette thèse va questionner la place de la robotique sociale dans des écosystèmes du grand âge (EHPAD, cliniques, domicile, …) et expérimenter des rôles et interactions pour cette technologie. La recherche intégrera en outre les dimensions éthiques, philosophiques et sociologiques de l’arrivée de la robotique et de l’IA dans des écosystèmes très spécifiques et de la place des EHPAD au sein d’une société se numérisant à grands pas.

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Prenant la suite des interventions précédentes, Nawelle Zaïdi a présenté les travaux expérimentaux initiés en maisons Korian autour de robots existants. Aujourd’hui, grâce à la mise en place de plusieurs groupes de travail pour préparer le lancement des pilotes dans les différents établissements, cinq grands usages sont pressentis pour la robotique chez Korian : l’information et la gestion de la vie quotidienne de l’établissement, l’animation et vie sociale, le soin et l’assistance face à la perte d’autonomie, la sécurité des résidents et du personnel, et enfin la qualité de vie au travail. Cinq robots différents, multi-usages, ont été sélectionnés et sont évalués à travers des expérimentations terrain avec des patients, des résidents et des professionnels de santé dans une dizaine d’établissements. Les différentes expérimentations seront menées sur des protocoles similaires dans l’objectif d’en confronter les usages, similitudes et divergences et  faire émerger des convictions quant à la forme, la fonction, l’usage, l’acceptabilité et l’appropriation des robots sociaux en établissements.

Enfin, l’équipe RbD Lab, incarnée par Ioana Ocnarescu, a présenté les résultats de recherches sur la robotique sociale auprès de personnes âgées via trois études majeures menées par le laboratoire sur les dix dernières années : une étude exploratoire avec trois prototypes de robots, visant à comprendre via des approches de design la perception des robots et les attentes des utilisateurs., une immersion de deux semaines en living lab par la création d’un lieu de vie prospectif d’humains avec des robots et une étude d’acceptabilité d’un robot Pepper, laissé en autonomie avec 24 patients pendant une semaine dans un centre de rééducation.

Un atelier de design pour se projeter sur les usages de la robotique

La deuxième partie du séminaire a fait l’objet d’un atelier de créativité pour immerger les participants dans des expériences d’usage en leur faisant prendre des rôles métiers et imaginer leur quotidien futur aux côtés de robots. L’objectif était de s’appuyer sur les problématiques réelles du terrain pour faire émerger des scenarii d’usage prospectifs autour de robots sociaux en établissement.

Pour ce faire, chaque participant s’est servi d’une carte choisie parmi trois catégories : des cartes Expériences, des cartes Usages, et des cartes Métiers. A partir de ces cartes, une quinzaine de participants ont imaginé des scenarii du quotidien pour les métiers Korian. Tout l’atelier s’est déroulé sur Miro, une plateforme collaborative en ligne permettant une participation collective en temps réel sur un même espace.

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 Un dépouillement rapide des résultats de l’atelier a permis de faire émerger des tendances en termes de besoins en expériences avec la robotique. Une majorité de participants (8 participants sur quatorze) a choisi Ro-bin, le robot qui permet de vivre des moments extraordinaires et de donner un sens à son travail, et a opté pour des usages liés aux soins et à l’assistance (huit participants) et à la sécurité des personnes (trois participants). Enfin, les rôles les plus choisis ont été les aide-soignants (trois participants) et les infirmiers !

Il est intéressant de noter que lorsqu’on propose des expérimentations avec des robots sociaux en établissement, l’utilisateur clé est souvent incarné par l’animateur ou l’animatrice qui se positionne comme un super utilisateur et promoteur de l’usage du robot. C’est d’ailleurs cette personne, en tant que vecteur principal d’acceptabilité auprès des résidents, qui est visée par des industriels qui proposent majoritairement des robots ludiques et divertissants. En revanche, lorsque l’on se penche en premier lieu sur les besoins en EHPAD ou des situations difficiles rencontrées, avant même d’évoquer la technologie, les regards se tournent vers les soignants, notamment les aides-soignants. Et si les utilisateurs des robots sociaux n’étaient pas ceux auxquels on pense en premier ? 

En marge de cette observation, il est intéressant de constater qu’en une heure d’atelier a émergé un panel d’usages prospectifs plus large que l’ensemble des usages proposés par la robotique sociale sur le marché du grand âge. Ainsi sont nées des narrations mettant en scène des robots tenant compagnie à des résidents restés en chambre sur la pause déjeuner pour les engager à se nourrir, intervenant en cas de crise sanitaire sur la gestion administrative et logistique ou encore incarnant une assistance quotidienne au psychologue de l’établissement !

Ce séminaire propose une ouverture de la réflexion autour de la robotique sociale à tous les métiers Korian, au siège ou en établissements, dans l’objectif de co-construire des études, protocoles et expérimentations pour faire émerger les usages les plus pertinents de la robotique sociale, prôner une adaptation de la technologie aux besoins réels du terrain pour anticiper, et non subir, une écologie du grand-âge de demain composée d’humains… et de robots !

NAWELLE ZAIDI