Robotique Sociale : Définition(s) entre recherche en laboratoires et expérimentation sur les terrains

 

Avec pour ambition de co-construire une ou des définitions de la robotique sociale dans des contextes différents, Robotics by Design Lab donne la parole aux partenaires et doctorants. Dans ce sens, un article à dix mains a été initié par les doctorants pendant les Robotoriales et est en cours de rédaction. En parallèle, nous avons également souhaité avoir la vision singulière de chaque partenaire. La diversité des secteurs d’activités et de l’avancée de la pratique de la robotique nous permettra d’avoir un aperçu du large panel des traductions et mises en place des incarnations de la robotique dite “sociale”.

Entretien avec Louis Romain Joly, responsable du programme “Robots&Humains” au sein de la Direction Innovation&Recherche de SNCF

Nous allons donc commencer cet entretien avec une question large: Qu’est-ce qui est considéré comme un robot pour SNCF?

Qu'est ce qu'un robot ? La question est simple mais la réponse complexe. Preuve en est, nombre de livres sur la robotique consacrent leurs premières lignes à ce sujet sans qu'un véritable consensus ne se dégage. Nous n'avons pas la prétention de mettre fin au débat en proposant la définition ultime. Nous allons vous confier les clés de lecture qui sont les nôtres. Peut-être les adopterez-vous...? Dans le domaine industriel, le robot est aujourd'hui un outil. Le Robotics by Design Lab nous offrira prochainement, nous en sommes convaincus, une vision beaucoup plus ouverte que cette stricte vision utilitaire. Mais n'anticipons pas !

En parlant d’outils, les avez-vous classifié en leur attribuant des caractéristiques spécifiques en termes de fonctionnalités ou d’intelligence, voire de sociabilité? 

On peut décrire la diversité des outils en utilisant deux axes. Le premier axe répond à la question: qui réalise la tâche ? Ses deux extremums sont la machine et l'humain. Au plus proche de l'humain, on trouve par exemple les outils traditionnels de l'artisanat. Les systèmes automatisés ont alors leur place à l'autre bout de l'axe. Entre les deux existe bien entendu un nombre important de gradations ou machines et humains se partagent le travail. Le second axe porte, lui, sur la notion de matérialité de la tâche. La tâche ne met-elle en jeu que de la manipulation de données, d'éléments abstraits ? Ou au contraire, la tâche consiste-t-elle en la manipulation d'objets concrets, physiques ? Cette description de l'espace (comme nous l’avons représenté dans la figure que nous avons partagé avec vous) permet de positionner les outils que nous utilisons au quotidien, des plus anciens (machines outils, automates, logiciels...) au plus récents (chatbots, RPA, cobots...).

Votre schéma est très intéressant car vous présentez une tâche comme une imbrication  entre un sujet “qui fait” et un objet “du faire”. Cette dualité rejoint un questionnement à propos des robots sociaux, sont-ils des objets ou peuvent-ils être considérés comme sujets  en incarnant une altérité comme le décrit Véronique Aubergé, chercheuse au LIG (CNRS/Université de Grenoble Alpes/INP Grenoble.  Cette dualité vous satisfait-elle actuellement avec les outils qui sont déployés chez SNCF ?

On constate effectivement que cette organisation de l'espace ne permet pas d'isoler complètement les différentes catégories d'outils. Il faut enrichir l'espace de nouvelles dimensions pour y parvenir. Par exemple, pour différencier les automates des robots, il nous faut recourir à la dimension perceptive ou à la capacité d'adaptation des machines. Les automates mis en œuvre dans le secteur manufacturier (automobile, électronique grand public...) savent reproduire avec précision et à grande cadence des opérations de plus en plus complexes. Mais aucun aléa ne doit venir gripper cette belle mécanique. Le propre d'un robot est de savoir percevoir cet aléa et de s'y adapter. Notons aussi que cet axe de lecture ne permet pas de différencier les outils immatériels hautement autonomes. En la matière, c'est la nature de l'information traitée (voix, images...) ou la destination (surveillance, services aux clients...) qui semblent être différenciant.

Mais ne vous y trompez pas. Nous utilisons ce graphique à des fins pédagogiques pour expliquer la progression que nous prévoyons vers des systèmes coopératifs mettant en œuvre plus d'autonomie et plus d'adaptabilité. Il ne s'agit pas de snober des formes d'outillage telles que les machines téléopérées au motif qu'elles ne constituent pas des robots. Elles sont bien souvent des portes d'entrée vers le monde des robots et peuvent nous permettre d'adopter une approche plus anthropocentrée et moins technocentrée.


 
Emna Kamoun