Retour sur le 56ème congrès SELF : vulnérabilités et risques émergents

 
 
 

En juillet 2022 Alia Afyouni a assisté au 56ème congrès de la SELF (société d’ergonomie de langue française) « Vulnérabilités et risque émergents. penser et agir ensemble pour transformer durablement ». Elle y a présenté le travail de StrateResearch « Réalité virtuelle et visites de musées : étude de l’engagement et de l’immersion entre vidéo 360° et animation 3D temps réel » pendant le symposium intitulé « numérique et transformations sociales ». Elle nous raconte les moments marquants !

Cette étude portait sur une visite virtuelle d’un musée, accompagnée par un robot social Pepper comme guide dans un des deux environnements virtuels créés : 3D ou 360°. Ces environnements ont été créés par des étudiants de Strate avec Damien Legois, Ioana Ocnarescu et Isabelle Cossin. Le but de cette étude était d’explorer plus précisément les différences entre les environnements 360 ou 3D en termes d’engagement, d’immersion et d’expérience globale de l’utilisateur ainsi que questionner la présence d’un robot social comme guide de musée.

40 participants ont donc fait cette visite, soit dans l’environnement 3D soit dans l’environnement 360, et ont réponde à un questionnaire quantitatif et qualitatif suite à la visite. En général, les deux environnements ont été comparable en termes de satisfaction des participants. Cela dit, nous avons relevé une frustration de la part des participants quant à la limitation des déplacements dans le cas de la visite en 360. De plus, ils avaient apprécié la présence de Pepper mais trouvaient qu’il n’était pas aussi interactif que ce qu’ils auraient souhaité. Surtout, avec cette étude nous avons remarqué que l’enjeu n’est pas que technique. Typiquement il ne s’agit pas juste de différences techniques entre la 3D et la 360, d’où l’importance des créateurs et designers pour adapter les expériences aux attentes des usager et prendre en compte leur besoin selon les contextes.

Ce congrès accueillait des oratrices et orateurs de divers pays pour aborder une panoplie de thèmes tels la santé au travail, ergonomie et société, innovation, technologie, espaces de travail etc., tous dans le but de renforcer les possibilités d’agir et contribuer durablement à atténuer les sources de vulnérabilités sociale, économique, politique, et climatique. 

Pour lancer le congrès une conférence plénière sur le dialogue social efficace annonçait sa couleur. Durant ce talk, les oratrices et orateurs d’abord accentuent sur l’approche holistique de l’ergonomie, pour ensuite aborder le sujet des vulnérabilités au travail, et comment avoir une approche centrée sur l’humain pour accroitre l’investissement sur le potentiel humain, dans l’institution du travail ainsi que dans le travail décent et durable. Cette conférence a été clôturée par un talk sur les interactions Homme-machine par Aida Ponce del Castillo. Elle a abordé le thème des technologies émergentes mais surtout de leur relation avec l’Homme, dans ce cas le travailleur. Elle a soulevé que les aspects sociaux et technologiques ne peuvent plus se voir séparément aujourd’hui. Elle a également présenté les défis à relever dans cette relation-là :

  • Anxiété de travailler dans la même équipe avec l’IA

  • La sous-estimation ET/OU la surestimation des membres de l’équipe pilotés par l’IA

  • Autonomie humaine et feedback

  • Amélioration de la prise de décision humaine

  • Perte d’expertise

  • Beaucoup d’incertitudes

Un symposium qui a attiré ma curiosité s’intitulait « genre, technologie, et risque émergent ».

Dans ce symposium, un premier talk sur une recherche menée par l’ANACT et l’ARACT a traité de la question du télétravail et les inégalités de genre. Ils se sont demandé si les télétraveilleuses et télétravailleurs ont été confronté aux mêmes situations, si les facteurs de contraintes et ressources ont été les mêmes dans le mode de travail hybride présentiel-distance ?

En se basant sur des consultations menées en ligne en 2020 et 2021 par l’ANACT ainsi que dans un cas d’étude dans la fonction publique, ils ont observé qu’autant le télétravail a permis de développer une certaine autonomie, il a également renforcé ou fait émerger des nouveaux risques. Ils ont trouvé que le télétravail a été à la fois un levier et un frein à l’égalité entre les femmes et les hommes. Ils soulèvent l’importance d’avoir plus de recul pour mieux comprendre ce paradoxe, et proposent quelques pistes d’action pour sensibiliser aux inégalités de genre qui peuvent être lié aux modalités hybrides de travail. Ces pistes comportent des éléments d’outillage des managers pour animer des espaces de discussion, développer des mesures de prévention des violences au travail, etc.

Un autre talk dans ce même symposium s’intitulait « Genre et transformations technologiques : analyse de l’activité dans 2 secteurs d’activité traditionnels ». Deux études de cas ont été mené pour ce travail de recherche :  un premier au sein d’une entreprise du secteur de textile et de l’habillement et le deuxième au sein d’une entreprise du secteur de liège.

Les premiers constats mettent l’automatisation en faveur de l’égalité des genres car elle contribue à la dilution des frontières de l’accès au travail considéré comme typiquement féminin ou masculin. Mais en regardant de plus près, cette étude souligne comment l’automatisation crée une nouvelle logique de vulnérabilité et d’exclusion. Cela étant par ce que dans le premier secteur mentionné, le travail des femmes est plus susceptible à être remis en question avec l’automatisation. Alors que dans le deuxième secteur, les actes techniques des hommes sont reconnus ce qui freine l’automatisation. 

C’était enrichissant d’assister à ce congrès, qui m’a bien avéré que les questionnements d’aujourd’hui se rejoignent dans des différents domaines qu’il s’agisse de questionnements sur les inégalités des genres, la place de la technologie dans notre société, de l’anthropocène. Il est important de voir que les problématiques des designers sont partagées par les ergonomes, pour souligner que les solutions ne pourront être que interdisciplinaires.

 
Ioana Strate