🤖✨ Soutenance de thèse de Mégane Sartore 🎢🌿🧘 La robotique ikigaï. Un levier majeur d’engagement, garant d’une haute performance industrielle

 

Le 12 juillet 2023, Mégane Sartore, psychologue du travail et notre première doctorante de Robotics by Design Lab, a soutenu sa thèse de doctorat en sciences de l’ingénieur, spécialité “Conception” dans le cadre de l’école doctorale de l’HESAM Université. La thèse s’intitule « La robotique ikigaï. Un levier majeur d’engagement, garant d’une haute performance industrielle ». La thèse a été soutenue en temps en heure, 3 ans presque jour pour jour de sa date de démarrage en juin 2020. La soutenance a eu lieu à Strate.

Cette thèse CIFRE a été menée au sein de la Direction de Recherche de SNCF et plus précisément dans le Programme Robots&Humains chez SNCF piloté par Louis-Romain Joly, spécialiste engagé dans la robotique et le tuteur de cette thèse. Les travaux de Mégane ont été dirigés par Stéphanie Buisine (Directrice de recherche au CESI, laboratoire LINEACT) et co-dirigés par Ioana Ocnarescu (PhD, Dir. Strate Research). Un jury de renom a été mobilisé pour la soutenance : 

  • Pr. Carine LALLEMAND, rapporteure et présidente du jury (Enseignant-Chercheur, Université de Luxembourg et Professeure Adjointe, Eindhoven University of Technology), 

  • Pr. Adriana TAPUS, rapporteure (Professeure, Autonomous Systems and Robotics Lab /U2IS, ENSTA Paris), 

  • Pr. Laurent AUZOULT-CHAGNAULT, examinateur (Professeur, Laboratoire Psy-DEPRI, Université de Bourgogne)

  • Mme Catherine SIMON, invitée (Conseillère numérique industriel).

Cette thèse explore le concept d’ikigaï dans le domaine de la maintenance ferroviaire et plus spécifiquement en travaillant avec des outils robotiques qui améliorent à la fois la performance et l’engagement, ce qui est désigné sous le terme de “robotique ikigaï” (terme proposé par Catherine Simon et développé pour cette thèse dans une interview ici). L’ikigaï est une philosophie de vie japonaise et qui reflète la raison qui nous pousse à nous lever le matin, c’est ce qui fait que notre vie vaut la peine d’être vécue. Ce concept fait écho à certaines théories de la psychologie contemporaine, sans que ces liens aient été formalisés dans la littérature scientifique et sans une véritable réflexion sur la conception des technologies ikigaï. Cette thèse aborde ainsi ces grands enjeux théoriques, de conception mais aussi de mise en production d’un outil spécifique que l’équipe de thèse a pu explorer pendant 2 ans.

En trois ans, Mégane a pu apporter une contribution à la fois théorique et significative sur le terrain dans un travail pluridisciplinaire de recherche et d’application sur le terrain. L’originalité de cette thèse est confirmée en plusieurs points :

  1. Contribution théorique dans la psychologie cognitive : cette thèse propose une représentation de l’ikigaï en tant que processus motivationnel dans le milieu professionnel en se basant principalement sur la théorie de l’autodétermination (Deci et Ryan, 2000), de la pleine conscience (Focus attentionnel sur l’environnement; Ryan et al., 2008), du bien-être (PERMA ; Seligman, 2011), du sens et de l’engagement au travail (Steiger et al., 2012 ; Schaufeli et al., 2002). Des entrées influencent des processus centraux qui ont un impact positif sur des résultats. Ce modèle est auto-entretenu par une boucle de rétroaction. Pour en savoir plus, voici l’article qui présente ce modèle publié dans ici (Europe’s Journal of Psychology) ainsi qu’un interview qui vulgarise cette recherche ici (Belle histoire d’Institut Carnot TSN 2023).

  2. Mesures et leviers de l’ikigaï : Pour rendre ce concept mesurable, la thèse propose un questionnaire de l’ikigaï et deux études auprès de deux types de population : une première étude auprès de 46 agents de maintenance, puis une deuxième étude avec un échantillon plus large de 321 francophones actifs. Les résultats de la première étude indiquent que la satisfaction du besoin d’appartenance, l’expérience avec les outils de travail et les perspectives d’évolution professionnelle sont des leviers, tandis que l’ancienneté des employés chez SNCF constitue un frein à l’ikigaï. La deuxième étude montre que la motivation intrinsèque est le principal moteur de l’ikigaï, suivie de la motivation identifiée, du besoin d’appartenance et du besoin d’autonomie. Ces quatre concepts clés nous ont permis de valider et de préciser le modèle en mettant en évidence les principaux facteurs de l’ikigaï.

  3. Conception des outils ikigaï: la thèse met en évidence un processus de conception avec deux cycles de conception en parallèle : un cycle fonctionnel et un cycle motivationnel. Dans le cycle fonctionnel les agents ont participé à la conception dans le cadre de 3 cycles de prototypage / tests utilisateurs. Le cycle motivationnel a été externalisé en impliquant des designers pour imaginer des concepts qui répondraient aux leviers d’ikigaï. Une phase d’exploration terrain pour le prototypage et la mise en scène des scénarios d’intention a pu montrer les fonctionnalités considérées comme bénéfiques pour les agents de maintenance (bénéfice utilité et expérience).

  4. Prototypage d’outil issu d’une problématique du terrain: proposition d’une solution originale conçue pour l’inspection des archets sans que le train soit amené dans un TechniFret (maintenance du matériel roulant de Fret SNCF). Il s’agit de PICAUTO, une perche munie d’une caméra. Cette caméra renvoie une image en direct sur une tablette, un smartphone ou un ordinateur et permet aux agents de constater la présence ou l’absence de défauts sur la toiture. La conception de PICAUTO était axée sur trois objectifs : (1) éviter le rapatriement de la locomotive en atelier, (2) permettre l’inspection en toute sécurité et (3) améliorer le bien-être, plus largement l’ikigaï des agents. Un article qui explique tout le processus de conception se trouve ici.

  5. Une première pierre à l’édifice de la robotique ikigaï: En confrontant la robotique industrielle, faisant partie de l’industrie 4.0 et 5.0, à la robotique de service, on se rend compte que le secteur de la maintenance ferroviaire ne se réfère ni à l’une ni à l’autre mais ouvre un nouvel espace commun entre ces deux branches de la robotique, la robotique industrielle de service qu’on appelle robotique ikigaï. Pour la mise en place de cette robotique, cette thèse propose de prendre en compte les aspects motivationnels dans la conception. Cette notion révèle et explore la relation symbiotique entre bien-être au travail et performance dans la conception des outils ikigaï. Voici ici un article paru dans le congrès international de la robotique sociale Social Robotics: 14th International Conference, ICSR 2022.

  6. Représentation graphique d’ikigaï : Il existe un modèle japonais de l’ikigaï, complexe et immuable, comprenant de nombreux concepts, parfois redondants (Kumano, 2006). Le défi de cette thèse a été dans un premier temps de créer une première représentation simplifiée d’ikigaï en partant de la proposition faite par (Winn, 2014) que vous pouvez retrouver ici retravaillée et traduite en français. Ce modèle simplifié a été relié avec la littérature scientifique présentée dans le point 1. Ensuite, à la fin de la thèse, Mégane propose de nouvelles façons de représenter l’ikigaï sous forme de grille d’introspection qu’elle a pu explorer avec 10 participants. Cette exploration ouvrira des possibilités d’intégration de l’ikigaï dans notre quotidien.

Les opportunités de la thèse sont nombreuses. Les différentes publications, dans les différentes communautés (psychologie cognitive, robotique sociale, conception) ouvrent des voies pour d’autres recherches prometteuses. Parmi celles suggérées par Mégane on retient : la confirmation interculturelle de l’ikigaï en apportant des preuves d’une validité globale, concevoir uniquement des robots ikigaï “à partir de zéro” en évaluant leurs impacts et enfin approfondir les pistes d’évaluation graphique de l’ikigaï.

 
 
 
Ioana Strate